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Monographie d’Ambleny 1920Histoire locale / Articles

Thème : GuerresCatégorie : Monographies, Première guerre mondiale 1914-1918Commune(s) : AMBLENYAuteur : Instituteur


Ambleny

A.- Territoire occupé par les armées allemandes

I.- Généralités

a).- A quelle date les Allemands ont-ils pris possession de votre village?

Le 10 août 1914, vers 14 heures.

b).- La prise de possession s’est-elle effectuée à la suite d’escarmouches, à la suite de combats sanglants, ou sans coup férir ?

La prise de possession s’est effectuée sans coup férir. Des troupes de toutes armes passèrent en grand nombre, se dirigeant vers Paris. A noter un passage d’état-major, celui du Hroufering( ?) probablement.

c).- Quelle a été l’attitude de l’autorité militaire à l’égard de la population pendant les premiers jours ? Dans la suite de l’occupation ?

A signaler l’arrogance des chefs ennemis et leurs menaces.

Vol et pillage dans les habitations, scènes de gourmandise.

A l’aller, les majors ont copieusement festoyé dans la boulangerie Jadus, dont la cave était bien approvisionnée. Un baril d’eau de vie fut retrouvé le lendemain sur une chaise, près de la table du banquet.

13 jours après, lorsque l’armée allemande recula jusque sur la rive gauche de l’Aisne, on rapporte que des soldats ennemis poursuivirent des femmes qui durent aller se cacher dans une cave.

Malgré leur recul, pour le cacher peut-être, les allemands ont donné le dernier jour un semblant de concert sur la plage. Ils commandèrent 400 pains au moulin pour le lendemain matin, mais on ne leur laissa pas le temps d’en prendre livraison.

d).- Pouvez-vous rapporter quelques propos authentiques tenus par des officiers ou des soldats, et qui soient caractéristiques de leur état d’esprit ou de l’opinion publique en Allemagne à cette époque ?

Le jour de l’arrivée, un capitaine, interpellant M. Lebeaux, instituteur retraité, ex-maire, demanda la distance pour arriver à Paris. Environ 100 km, lui fut-il répondu. L’officier dit aussitôt : « 3 jours Paris. Nous escomptons la victoire ».

e).- Pouvez-vous citer quelques ordres ou prescriptions émanant de l’autorité ennemie où se manifestait plus spécialement son système de « guerre aux civils » ?

Le 1er soir, ordre fut donné de trouver 80 lampes. Tant que cet ordre ne fut pas exécuté, M. Amory Emile, conseiller municipal, fut retenu comme otage.

Il n’y eut pas apposition d’affiches.

Les réquisitions furent payées en partie. Beaucoup d’intéressés reçurent des bons fantaisistes.

Il y eut des vols nombreux.

f).- Si possible, prière de joindre quelque spécimens d’affiches apposées par les soins ou sur l’ordre de l’ennemi, ou quelque document authentique digne d’intérêt, (ces documents seront exposés et renvoyés par la suite à leurs possesseurs, s’ils les réclament).

Néant.

II.- Des rapports de l’Autorité ennemie avec la population scolaire

a).- Les établissements d’instruction (écoles, etc.) ont-ils été ouverts pendant toute la durée de l’occupation ? Ou momentanément fermés, ou ont-ils été fermés pendant toute la guerre ?

La localité a été occupée seulement pendant 12… (NDLR : suite manquante)

B.- Territoire occupé par les Armées françaises et alliées

I et II.- Généralités et rapports des troupes avec la population scolaire

a).- Quelles sont les troupes (alliées) qui ont occupé votre village ?

Le village a été occupé par les troupes françaises et les troupes anglaises. Des troupes américaines ??? la partie sud du territoire, au-dessus des ravins de Cutry et Laversine.

b).- S’est-on battu dans votre région ? A quelle date ?

On s’est battu à Ambleny dans les journées des 12 et 13 septembre 1914, sur les parties nord et est de la commune, en direction de Fontenoy, Pontarcher et la ferme du Prunier.

Les combats furent surtout très durs et sanglants dans la période du 31 mai au 18 juillet 1918. Les hameaux du Soulier et des Fosses ont eu souvent les honneurs du communiqué. Le village fut pris et repris.

La localité n’a cessé d’être plus ou moins bombardée du 12 septembre 1914 jusqu’à la fin de la guerre. Un jour cinq incendies se déclarèrent en même temps à la suite de bombardements par obus incendiaires. Ces bombardements avaient lieu à toute heure du jour et de la nuit. Ils étaient coupés de périodes d’accalmie. Quelques-unes de nos batteries, installées au nord du pays, se trouvaient si bien placées qu’elles ne furent jamais repérées. C’est probablement la recherche de leur emplacement qui nous valut les plus sérieux arrosages.

Les avions passaient souvent la nuit. Ils laissèrent tomber des bombes aux alentours du pays, surtout au nord et au sud. La dernière semaine de mai fut particulièrement pénible: les avions mitrailleurs descendaient très bas la nuit et tiraient sur les convois et sur le village.

Le 30 mai après midi, une saucisse d’observation, placée dans la partie est d’Ambleny, fut assaillie par des avions. En l’espace de quelques heures, l’observateur descendit 3 fois en parachute.

L’ordre d’évacuer étant parvenu en fin d’après-midi, les habitants quittèrent la commune dans la soirée et toute la nuit. Ceux qui possédaient des attelages purent enlever du linge et quelques meubles. Les autres s’en allèrent à pied, des paquets à la main. De leurs avions, les Boches mitraillaient la route de Coeuvres, qui suivaient les évacués et par où des renforts arrivaient.

A 7 heures du soir, à Courtançon, je fais la rencontre d’un ancien élève qui monte avec son groupe d’artillerie. Il m’apprend qu’il vient de rencontrer sa famille, évacué de Pernant. Le brave garçon s’informe si nous avons à manger et va trouver son adjudant. Ce dernier parle aux cuisiniers : on coupe une boule ou creuse une moitié qui sort du récipient pour recevoir quelques morceaux de lapin et j’accepte avec reconnaissance le diner offert si spontanément et si généreusement. Braves gens !

Le jeune homme a eu le bonheur de sortir à bien de la fournaise. Il est marié dans un village voisin.

c).- Voyez-vous quelques particularités à noter touchant l’attitude des soldats alliés à l’égard des enfants ? Des enfants à l’égard des troupes ?

Dans le début, les troupes étaient trop portées à considérer tous les civils comme des espions. Recevait-on des obus, des signaux avaient été faits. Il fallut souvent rappeler les hommes et la prudence : trop de militaires se promenaient à flanc de coteau et les allemands, des côtes en face, découvraient leur présence, d’où des bombardements imprévus.

Par la suite, la confiance s’établit.

Les soldats attiraient les enfants pour les amuser et causer. Ceux-ci recherchaient les soldats, par curiosité et distraction.

En beaucoup de maisons, les hommes rendaient des services. En retour, ils s’asseyaient à la table de famille. Le séjour prolongé de certaines unités amena même des mariages.

Les hommes, descendant des tranchées, s’intéressaient aux enfants, qui leur faisaient oublier les dures journées de là-haut. Ils regardaient avec sympathie les écoliers se rendant en classe, le masque à gaz au côté. Ils s’arrêtaient volontiers pour regarder jouer les élèves, dont la classe avait été reportée au sud du pays, à cause du danger. Ils les regardaient travailler quand, par les fortes chaleurs, la classe se tenait dans un pré, à Courtançon : c’était du plein air, forcément, en ce temps là, on travaillait tout de même.

Pouvait-il en être autrement devant le courage calme de nos braves troupiers arrivant du moulin de Laffaux. Nous les admirions tous. Quelle émotion nous étreignit, un jour qu’au son de sa musique, un régiment venant au repos défila devant la cour de l’école, son drapeau déployé, tout déchiqueté par la mitraille !

Qu’il me soit permis de citer une particularité personnelle lors du 1er passage des anglais. Un officier attendait pour prendre son bain. Nous étions dans la classe et mon hôte regardait une carte historique ayant trait à la guerre de Cent ans. « Nous n’avons pas toujours été alliés lui dis-je » …… (Suite illisible)

d).- Le séjour des troupes alliées (ou indigènes), notamment des noirs, des Hindous, etc., a-t-il influé en quelque mesure sur le parler local ?

Non

Quelques mots étrangers (anglais, hindous, etc.), y ont-ils pénétré, et paraissent-ils devoir persister ?

Non.

Donner une liste de ces mots et de leur sens.

Néant

à Ambleny, le 26 mai 1920

L’instituteur

Source : BDIC La Guerre dans le ressort de l’Académie de Lille. 1914-1920

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