Thème : Communes | Catégorie : Monographies | Commune(s) : LIMÉ | Auteur : M.Trannois d'après l'Argus Soissonais
Le village de Limé, situé dans le canton de Braine, est à 3 km. Au sud-est de cette ville, à l’entrée du vallon de Cerseuil.
C’est une agglomération de maisons sans hameau, bâties sur les deux rives d’un ruisseau affluent de la Vesle.
Une seule ferme fait partie du village, c’est la ferme d’Applincourt, sise à l’est des habitations composant la commune.
Cinq maisons dont les noms suivent sont à l’écart :
L’étendue superficielle du territoire de Limé est de 538 ha. 86 ares.
Les principaux lieuxdits sont :
Le bois des Fussis, les Rochettes, les bois du Comte, la Tournelle, le Clos, les Martrois, le Guet, les vignes de Martrois, le Mont de ville, les Croix, les Cours, la Croix Bigaut, les coqs Blancs, la ferme d’Applincourt, les Bourametz, la fosse Loquin, les près du Diable, les Mortemetz, les Hautes Bornes, le Pont d’Ancy, les terres du Montsard, la fosse aux Chevaux, le Moulin, la Croix Blanche, le Jardin aux Antes, le Château, le Crinon, le bois des Brassons, les Echafauds, le bois des Brebis, les Hauts bois, le Bois Fresne, le bois des Grives, les Hazois, etc.
Le terroir de Limé est assez accidenté ; il a au nord le mamelon de la Folie, faisant partie de la montagne de ce nom ; au sud une longue colline partant de Cerseuil et aboutissant à Quincy-sous-le-Mont.
Le reste fait partie de la vallée de la Vesle.
La principale rue qui traverse Limé, venant d la villa gallo-romaine d’Ancy et allant à Cerseuil, portait jadis le nom de rue En my la Ville, et depuis le XVIIe siècle, celui de Grande rue et de Rue d Paris ; en sortant du village à l’ouest, elle traverse un lieudit aujourd’hui Mont la Ville, par corruption de En my la Ville, nom sous lequel le désignent aussi les titres de la justice seigneuriale de Limé.
Une autre voie ancienne, de Soissons à Fismes, dite « Chemin des Dames », dans tout son parcours, et « Chemin des Echafauds, dans la partie qui sépare la commune de celle de Quincy, longeait et contournait le terroir de Limé au sud-est ; cette route près de laquelle on a découvert des antiquités celtiques, est aujourd’hui presque ignorée et omise sur la plupart de nos cartes ; elle a cependant été connue et suivie, en 1814, par l’armée ‘invasion se rendant de Reims à Strasbourg (1).
Le ruisseau de la Fontaine St-Pierre, ou Ru de Limé, qui vient de Cerseuil traverse le territoire de la commune de l’ouest à l’est, dans la première moitié de son cours, du sud-ouest au nord-ouest dans le reste. Il rejoint la Vesle entre Courcelles et Braine, après un parcours de 5 kilomètres.
La Vesle qui nait à Somme-Vesle dans la Marne, forme la limite de la commune au nord. Elle se jette à l’Aisnz, rive gauche en aval de Condé, au bout de 123 kilomètres dont 25 appartiennent au département.
Le chemin de fer de Soissons à Reims traverse dans toute sa largeur septentrionale le terroir le terroir de Limé.
Il existe, dans la commune, deux carrières abandonnées de pierre à bâtir.
L’école mixte et laïque date de 1860.
La population qui, depuis 1846, suivait une décroissance rapide, semble maintenant rester stationnaire.
Feux : en 1729, 62 ; 1760, 72 ; 1799, 90.
Habitants : en 1830, 323 ; – 1818, 361 ; 1826, 328 ; – 1836, 335 ; – 1846, 382 ; – 1856, 350 ; – 1866, 34 ; – 1876, 291 ; – 1886, 268 ; – 1896, 315 ; – 1906, 280.
Limé était aux premiers siècles, compris dans le « Pagus Tardanenois » de la Civitas Suessisonum ». D’anciens titres latins et français l’appellent Locus medius ; Limeir en 1147 ; – Limer, en 1154 ; – Limerie, Limers, en 1296 ; – Lymers, en 1331 ; – Limay, en 1468 ; – Lymer, en 1508 ; – Lymé, en 1549 ; Lymel, en 1574 (2).
L’histoire de ce village se divise en trois parties bien distinctes : 1° la Villa d’Ancy que l’on peut regarder comme son berceau d’origine ; 2° le tumulus de la Butte des Croix, souvenir du Moyen-Âge ; 3° la chronologie des seigneurs qui l’ont possédé avant la révolution. Nous allons essayer de les décrire dans l’ordre que nous venons d’indiquer.
La villa d’Ancy
Anciacum, en 877 ; – Anci, en 1447 ; – Ansay, en 1573 (1).
Anciacuim (Ancy) a pour élément le nom propre latin Ancus ou Ancius, combiné avec la finale celtique ou gauloise ac, et veut dire le domaine d’Ancus (3).
Ce lieudit le Pont d’Ancy qui, d’après l’état de ses ruines, avait été important sous les Gaulois, devint, à n’en pas douter, un vicus sous la dénomination romaine dans la Gaul, Belgique et, passant plus tard au pouvoir des Mérovingiens, à titre de villa ou de métairie, il arrive ainsi entre les mains de Charles- le-Chauve dans lesquelles il était au IXe siècle.
Le recueil des historiens des Gaules et de la France nous apprend que par un diplôme daté du Ve des Ides de juin 877, l’empereur Charles-le-Chauve a donné au monastère d’Asnon la villa d’Ancy qu’il possédait dans le Tardenois sur la Vesle, avec ses onze menses. (In comitatu Tardanensi villam Anciacum sitam super fluvium Wellula cum mensis undecim).
Située à l’est du territoire de Limé, sur la rive gauche de la Vesle, en face d’une île nommée l’île d’Ancy, la villa d’Ancy communiquait avec la rive droite au moyen de deux ponts sur les bras de l’île. Il y avait six chemins qui y aboutissaient ; deux sur la rive droite et quatre sur la rive gauche0 Des deux premiers, l’un allait à Pontarcy, ancien village fortifié sur le bord de l’Aisne aux confins des Remi et Suessionnes ; l’autre conduisait directement à Bazoches, autre localité gallo-romaine située à environ 5 kilomètres à l’est. Des quatre de la rive gauche, le premier suivait la Vesle jusqu’à Braine, situé à l’ouest à 3 kilomètres du Pont d’Ancy ; le second allait à Limé en passant par les lieudits de la Haute-Borne et la Fosse aux Sarrazins ; le troisième conduisait à l’ancienne cense de Bruyères et Mont-Notre-Dame situé à 3 kilomètres d’Ancy ; enfin le quatrième qui suivait le précédent jusqu’au marais de Malpenne, s’en détachait à cet endroit où il limitait en partie les territoires de limé et de Quincy, rejoignait l’ancienne route de Fismes à Soissons, appelée aussi le Chemin des Dames.
La multiplicité de ces chemins atteste suffisamment l’importance de ce lieu, importance que confirme d’ailleurs les nombreuses découvertes d’antiquités qu’on y a faites de tous temps. D’après l’étendue du terrain sur lequel on rencontre des substructions (environ 500 mètres de superficie), il était facile de voir que ce n’était ni une simple villa ni une grande ville (urbs), mais bien un bourg ou vicus.
L’abbé Leboeuf est, au commencement de XVIIIe siècle, le premier des historiens, croit-on, qui ait parlé du Pont-d ’Ancy, dans sa « Dissertation sur l’état des anciens habitants du Soissonnais avant la conquête de la Gaule avant la conquête des Gaules par les Francs », ouvrage qui a remporté le prix de l’Académie française de Soissons en l’année 1735. Après avoir parlé de Bazoches (Basilica) où étaient les greniers des Romains au IIIe siècle, il nous dit pages 48 et 49 « qu’il parait encore sous terre, du côté du couchant, au-delà de la rivière de Vesle dans le lieudit le Pont d’Ancy, au-dessous de l’embouchure de la petite rivière de Lice Lice (4), des restes de quelques édifices de ces temps-là et de plusieurs chemins qui y aboutissaient. L’abbé Leboeuf ajoute en note que ceci est tiré des Mémoires de M. Foucault, conseiller d’état.
Lemoine, dans l’ « Histoire des antiquités de Soissons » dom Grenier dans son « Introduction à l’histoire générale de Picardie » et Carlier dans son « Histoire du Valois », parlent également du Pont d’Ancy, le premier d’après les mémoires de l’intendant Foucault, Carlier et Dom Grenier suivant les renseignements qu’ils tenaient du célèbre antiquaire Jardel, officier du roi, qui vivait à Braine au XVIIIe siècle. Jardel avait dans son cabinet, venant du Pont d’Ancy, une grande quantité de médailles depuis César jusqu’à Constantin, des débris de toutes sortes et une espèce de mosaïque que l’on nomme Placage.
Depuis cette époque, des découvertes partielles et assez nombreuses ont été faites au Pont d’Ancy en cultivant la terre : mais les fouilles les plus productives sont celles opérées au mois d’octobre 1857 par M. de Saint Marceaux avec son fils Edmond. Tous les objets gallo-romains obtenus dans ces recherches ont été réunis dans la belle collection d’antiquités locales du château de Limé.
Emile Gaillard
Source : L’Argus Soissonnais 1909