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Vouël : une séance de conseil municipal singulièreHistoire locale / Articles

Thème : État, institutions, ReligionCommune(s) : TERGNIERAuteur : J-P.Brazier d'après le Journal de Saint-Quentin


Nous sommes en 1908 et la loi de séparation de l’église et de l’État de 1905 est toujours source d’affrontements parfois violents.

A l’époque, Vouël est une petite commune de 678 habitants du canton de La Fère. Dorénavant, c’est une des communes associées de Tergnier.

La question du presbytère s’est posée là comme ailleurs. On a décidé de louer le presbytère 30 francs par mois à Monsieur le curé, mais Monsieur le curé demande un état des lieux, et il a raison. Comme on connaît les saints on les honore et il craint les difficultés subséquentes.

A la préfecture, on ne sait à qui entendre.

Quant à la population elle a, par une pétition presqu’unanimement signée, pris parti pour son curé embêté par la majorité du conseil municipal, et quelle majorité !

Le compte-rendu suivant de la dernière séance que nous donne le Réveil de l’Aisne est tout à fait savoureux.

Le préfet, n’y comprenant plus rien, avait écrit pour dire : veut-on ou ne veut-on pas louer le presbytère au curé ? Si oui, pourquoi lui refuser un état des lieux ? Sinon, pourquoi avoir consenti la location au prix de trente francs par mois.

C’est pour prendre une décision ferme que le conseil était convoqué la semaine dernière par M. l’adjoint Vincq, en réunion extraordinaire à laquelle M. l’abbé Piot était prié d’assister.

Voici donc le compte-rendu d’après notre confrère de Chauny.

M. l’adjoint Vincq prit la parole :

Citoyens, la séance est ouverte.

Mais tout de suite, M. Bibaut, conseiller, posa une question :

M. Bibault fit « Ah ! », comme s’il avait fait une découverte, puis il ajouta :

Dans la salle, il y eut une rumeur. De bouche en bouche, la nouvelle fut portée jusque dans la rue ; « Y n’a point s’délégation ! » Et cela parut aussi scandaleux que si le citoyen Vincq n’eut pas eu sa culotte.

Impitoyable, M. Bibaut poursuivit :

Écrasé par cette logique, l’adjoint se tut un instant puis se reprenant :

Quelqu’un dit :

Et la foule répéta en écho :

L’abbé Piot s’avança.

C’était logique et irréfutable.

M. Vincq prit la tangente.

La majorité était ainsi mise en demeure et au pied du mur, il n’y avait plus qu’à s’exécuter ou à battre en retraite. Le silence se fit impressionnant.

Mais ce silence dura peu. Comme on s’interrogeait des yeux, une voix, celle du citoyen Lecat, s’éleva tout à coup, et l’on entendit :

C’était l’argument suprême. M. Piot ne le laissa pas sans réponse. Il se tourna vers « l’orateur » et le dominant de la taille et de la voix :

La réponse dut être foudroyante car une longue acclamation partit de la foule et le curé fut reconduit triomphalement au presbytère.

Source : le Journal de Saint-Quentin du 1er février 1908 – Bibliothèque municipale de Saint-Quentin