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Un procès intenté à un cadavre !Histoire locale / Articles

Thème : JusticeCommune(s) : MARLEAuteur : N.Pryjmak


He oui, et pour un peu il l’auraient peut-être même condamné à mort…
L’affaire se passe à Marle en 1751. Hilaire MARCOTTE, cabaretier de l’auberge à la fleur de lys est retrouvé pendu dans sa chambre.
Nicolas SERURIER, seigneur de Saint-Gobert, conseiller du roi, lieutenant général civil et criminel au bailliage de Marle, assisté de Pierre Benoit PERIN , procureur du roi, de PELLETIER, greffier, GRIZOT, sergent et CARLIER et DEGARDIN médecins se rendent sur les lieux pour informer conformément aux ordonnances. Un procès-verbal très détaillé est dressé.
Les investigations visant à connaître comment le patient s’est pendu commencent, on coupe ensuite la corde en la laissant autour du cou du défunt, on applique sur le front du cadavre un cachet en cire noire puis on le transfère dans un cachot des prisons royales non sans avoir dressé un acte d’écrou…..
Aussi bizarre que cela puisse paraître, ce n’est que la stricte exécution des prescriptions de l’ordonnace de 1670. Mais notre histoire ne va pas s’arrêter là….
Les chirurgiens visitent notre sieur Marcotte et concluent que c’est bien la corde qui est autour de son cou qui est la cause de la mort. Des témoins sont entendus. Un certain Antoine CHARPENTIER, nommé curateur du cadavre prête serment de « défendre la mémoire du défunt autant qu’il le pourra. » En effet ce dernier est interrogé en lieu et place du cadavre , il décrit Marcotte comme « un homme hautain, fier, colérique et capable d’insulter de paroles ceux qui l’auraient regardé entre deux yeux » mais à la plupart des questions, il répond qu’il ne sait pas.
Tout ceci ayant pris deux jours, Benoit PERIN demande que le cadavre soit salé par les chirurgiens pour empêcher la corruption (là aussi selon l’ordonnance de Louis XIV ). Ce qui fut fait par les chirurgiens. On usa pour cela 4 pots de sel.
La procédure se poursuit, réquisitions, informations, dépositions répétées ce qui dura encore quelques jours , jours pendant lesquels le sieur DESCOTTE , malgré l’embaumement, commençait à tomber en pourriture. On souvient encore de la peste à Marle et on la craint….
Il va falloir finir par ordonner l’inhumation qui aura lieu en dehors des murs de la ville dans la Fosse-aux-huguenots, en terre profane. CHARPENTIER, l’avocat improvisé du pauvre DESCOTTE est à nouveau interrogé devant une chambre du Conseil composée de François DELAMER, président du bailliage de Marle, SERURIER, lieutenant criminel, François -Lauren TILORIER , avocat et enfin l’affaire va se terminer.
Le procureur du roi donne sa sentence :
« Le defunt Marcotte est reconnu coupable de s’être défait et homicidé de lui-même. Pour réparation de quoi, sa mémoire demeurera éteinte, supprimée et condamanée à perpétuité ; les biens dont il jouissait au jour de son décès acquis et confisqués à qui il appartiendra; sur quoi seront pris 100 livres d’amende ; pour la condamnation de laquelle mémoire sera dressée une potence sur la pace de la ville, à laquelle par exécution de la haute justice sera attachée ladite sentence qui auparavant sera lue à la porte de la demeure dudit Marcotte et sur ladite place , et ensuite sera attachée à ladite potence pour y rester attachée pendant 24 heures ; ce qui sera exécuté sans préjudice de l’appel.
Donné en la chambre criminelle dudit bialliage de Marle le 14 juin 1751. Signé Delomer, Serrurier , Tilorier. »
A remarquer que la sentence était adoucie car Marcotte aurait pu en outre être trainé dans les rues de Marle sur une claie, ce qui lui fut épargné.

L’acte de sépulture ne figure pas dans les registres de Marle bien entendu, puisque l’inhumation a eu lieu en terre profane. La rue de la Fossé des huguenots existe à Marle, l’endroit où l’on enterrait les corps devait correspondre, sauf erreur, à ce qu’on appelait la Butte , entre cette rue et la Rue du Dr Galoy .

Sources :
L’éclaireur de l’Aisne – 1903 – Gallica
Histoire de la ville de Marle et des environs par Émile Coët et Charles Lefèvre