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Monographie de Boncourt 1914-1918Histoire locale / Articles

Catégorie : Monographies, Première guerre mondiale 1914-1918Commune(s) : BONCOURTAuteur : Cheyerd instituteur


Canton de Sissonne

Commune de Boncourt

404 habitants (actuellement 356)

Questionnaire

  1. Territoire occupé par les armées allemandes

I-Généralités

a).- A quelle date les Allemands ont-ils pris possession de votre village ?

Le 1er septembre 1914.

b).- La prise de possession s’est-elle effectuée à la suite d’escarmouches, à la suite de combats sanglants, ou sans coup férir ?

Sans coup férir.

c).- Quelle a été l’attitude de l’autorité militaire à l’égard de la population pendant les premiers jours?

Aucun rapport officiel avec l’autorité allemande le 1er septembre. Passage des troupes de 7h du soir au lendemain 11 h du matin. Logement le 1er septembre vers minuit, du Régiment de la Garde (Impératrice Augusta). L’ennemi a pénétré de force chez un certain nombre d’habitants et a cherché à intimider la population; quelques brutalités!

Aucun habitant n’avait fui.

Des éclaireurs ennemis s’étaient fait passer pour des Anglais. Le 2 septembre, pillage des épiceries et des basses-cours. Quelques réquisitions en septembre (volailles, beurre, œufs, vin, avoine).

Occupation permanente à partir du 1er octobre 1914 jusqu’au 10 octobre 1918, date à laquelle la population a été évacuée à Renneval (Aisne).

Dans la suite de l’occupation?

A été dure, fourbe et déloyale (le mensonge pour l’Allemand est une seconde nature), arrogante; a cherché à humilier par tous les moyens, se déclarant maîtresse de tout, n’admettant aucune observation, menaçant à tout instant, d’emprisonner, de fusiller sous les prétextes les plus futiles; a contraint au travail, a multiplié les revues d’appel même pour les vieillards, a laissé la population des heures entières, exposée au froid le plus rigoureux en pleine rue, a imposé aux hommes une visite sanitaire intime, non justifiée, a abusé des déclarations, des réquisitions, des amendes, a mis des civils à la porte de leurs maisons sans s’inquiéter de leur trouver un nouveau logement; a mis en cellule et enlevé sans aucun motif, a réservé aux femmes et aux jeunes filles, les travaux les plus pénibles et les plus rebutants avec l’intention de nuire à la maternité et d’affaiblir la race, a donné aux habitants, le triste spectacle de brutalités révoltantes à l’égard des nombreux prisonniers russes et civils roubaisiens qu’elle entassait pêle-mêle dans des réduits infects; elle les laissait mourir de faim (on en ramenait souvent mourants du travail).

L’ennemi se figurait voir des espions partout et multipliait les perquisitions, traitant les autorités locales comme des domestiques.

En un mot, a réduit la population en esclavage le plus complet. Il n’y a eu toutefois, dans la commune, aucune atrocité comme il en a été commis dans certaines régions.

d).- Pouvez-vous rapporter quelques propos authentiques tenus par des officiers ou des soldats, et qui soient caractéristiques de leur état d’esprit ou de l’opinion publique en Allemagne à cette époque ?

«L’Empereur n’a pas voulu la guerre! »

En octobre 1914 : « Dans 2 semaines nous serons en Angleterre »

« Tout nous appartient »

«  Il ne vous restera que les pierres et vos yeux pour pleurer »

« Il y a encore des petits en Allemagne »

«  Après cette guerre, la France et l’Allemagne, alliées contre l ‘Angleterre »

«  Soldats français égalent soldats allemands »

«  Les soldats français et les soldats allemands, alliés, battraient l’univers»

«  Dieu punisse l’Angleterre » Cette expression était écrite dans presque tous les logements.

« Si je prends une cuiller en fer dont je n’ai pas besoin, je commets un vol; si je prends une cuiller en or dont j’ai besoin, c’est légitime! »

« Si tout vous paraît dur et vous révolte, vous Français, nous semble tout naturel: question de tempérament! »

« Guerre finie, gare aux capitalistes »

«  Jamais vous ne reverrez vos Français »

« Après la guerre, on pourra écrire un livre sur les Régions occupées, intitulé « Les Pays Morts »

e).- Pouvez-vous citer quelques ordres ou prescriptions émanant de l’autorité ennemie où se manifestait plus spécialement son système de « guerre aux civils » ?

f).- Si possible, prière de joindre quelque spécimens d’affiches apposées par les soins ou sur l’ordre de l’ennemi, ou quelque document authentique digne d’intérêt, (ces documents seront exposés et renvoyés par la suite à leurs possesseurs, s’ils les réclament).

Documents joints.

II- Des rapports de l’autorité ennemie avec la population scolaire.

a).- Les établissements d’instruction (écoles, etc.) ont-ils été ouverts pendant toute la durée de l’occupation? Ou momentanément fermés, ou ont-ils été fermés pendant toute la guerre ?

Environ 22 mois de classe. L’école a été occupée à différentes reprises par l’ennemi.

Entièrement occupée à partir du 8 avril 1917. L’instituteur a été obligé de déloger et de chercher un abri.

b).- Quelles ont été les prescriptions particulières édictées par les Allemands à l’égard des établissements d’instruction ? (Prière de joindre, si possible, des documents à l’appui)

(Voir f)

A un moment, les gendarmes s’occupent de la fréquentation scolaire et envoient tout enfant qu’ils rencontrent dans la rue. A d’autres moments, par deux notes écrites, la Kommandantur de Sissonne, interdit de faire l’école sans donner de motifs (notes décembre 1915 et février 1917).

A deux reprises différentes, l’autorité allemande établit une garderie dans l’église. (Une note jointe)

c).- Le commandant de place s’est-il immiscé dans les services d’enseignement ?

d).- des officiers délégués ou inspecteurs allemands ont-ils émis la prétention de contrôler l’enseignement ? Ont-ils pénétré dans l’école ? Ont-ils interrogé les élèves ? Pouvez-vous citer, à cette occasion, des réponses d’élèves méritant d’être mentionnées ?

Une visite de l’école avait été annoncée en juillet 1915. Elle devait avoir lieu par un Capitaine. Un sous-officier est venu seul et n’a pas interrogé. Il n’a fait que cette réflexion: « Ils sont assez propres! »

e).- Les élèves des établissements (écoles, etc.) ont-ils été contraints à quelques travaux manuels?

Quelle a été l’attitude des élèves dans ces circonstances ? Particularité, réponses, réflexions dignes de remarque.

Les élèves ont été contraints à des travaux manuels: récolte des glands, des navets, des orties. (Notes jointes)

f).- Quelle a été, en général, l’attitude des soldats à l’égard des enfants ? L’attitude des enfants à l’égard des troupes ?

Les soldats étaient généralement bons avec les enfants. Les enfants n’ont jamais suivi aucune troupe en marche, ni en musique. Ils n’ont jamais eu l’idée de se coiffer d’un calot allemand. Ils se réjouissaient de ce qu’il arrivait de désagréable à l’ennemi, se moquait de lui, volontiers. Ils ne croyaient pas ce que racontaient les soldats sur la guerre; ils les traitaient de menteurs. Ils avaient l’impression que les Allemands n’étaient pas capables de venir à bout des soldats français. Ils étaient révoltés des brutalités ennemies à l’égard des prisonniers, à qui ils apportaient souvent des provisions en cachette, au risque de recevoir quelques taloches.

Un enfant, interrogé sur sa famille, a répondu aux soldats: «  Mon papa est parti tuer des Prussiens.»

g).- Le séjour des troupes allemandes a-t-il influé en quelque mesure sur le parler local ? Quelques mots allemands, plus ou moins déformés, y ont-ils pénétré, et paraissent-ils devoir persister ?

(Donner une liste de ces mots, et leur sens.)

La population a employé quelques mots allemands déformés pour se faire comprendre des soldats. Il n’en reste maintenant aucune trace.

Boncourt, le 26 mai 1920

L’Instituteur, Cheyerd.

Source : BDIC La Guerre dans le ressort de l’Académie de Lille. 1914-1920

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