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Monographie de Bichancourt 1914-1920Histoire locale / Articles

Thème : Communes | Catégorie : Monographies, Première guerre mondiale 1914-1918 | Commune(s) : BICHANCOURT


BICHANCOURT

Pendant l’invasion 1914-1918

A.- Territoire occupé par les armées allemandes

I.- Généralités

a).- A quelle date les Allemands ont-ils pris possession de votre village ?

b).- La prise de possession s’est-elle effectuée à la suite d’escarmouches, à la suite de combats sanglants, ou sans coup férir ?

Bichancourt, canton de Coucy, arrondissement de Laon, département de l’Aisne (996 habitants en 1914 et 450 au 1° juin 1920), situé à l’est de l’Ailette et du canal de l’Oise à l’Aisne, au sud de l’Oise, a été traversé le 29 août 1914 par une patrouille d’Uhlans se dirigeant vers Manicamp.

Le 1er septembre, à 6 heures du soir, l’infanterie allemande accompagnée d’artillerie prit, sans coup férir, possession du village. Les troupes anglaises battant en retraite étaient passées quelques heures avant, et il n’y eut aucune escarmouche.

c).- Quelle a été l’attitude de l’autorité militaire à l’égard de la population pendant les premiers jours?

Dans la suite de l’occupation ?

Dès leur arrivée, les Allemands mandèrent la Municipalité et d’un ton menaçant, revolver au point, ils donnèrent l’ordre de leur amener foin, avoine, bestiaux. Poulaillers, clapiers et jardins furent rapidement mis à sac, mais le gaspillage fut bien supérieur à la consommation. Craignant toujours un retour effectif des troupes alliées, les soldats couchèrent tout équipés sur les trottoirs, ou accroupis contre les murs, dans les cours. Pendant la prise de possession et l’occupation du village, il n’y eut à déplorer aucun viol, ni aucune exécution. Mais les hommes en âge d’être soldats furent enlevés dans les camps allemands, quelques-uns furent envoyés en représailles en Russie et sont morts en captivité. Presque tous les autres, les femmes, les jeunes filles furent astreintes aux travaux des champs. La plus grande partie du bétail, le lait, les œufs furent réquisitionnés en vertu du principe cher à l’ennemi : tout appartient à l’armée allemande.

d).- Pouvez-vous rapporter quelques propos authentiques tenus par des officiers ou des soldats, et qui soient caractéristiques de leur état d’esprit ou de l’opinion publique en Allemagne à cette époque ?

Les officiers allemands de 1914 parlaient presque tous le français. Aucun ne se départissait d’une morgue hautaine. « Vous avez voulu la guerre, vous l’avez et vous l’aurez » déclara l’un. « Vous serez dépouillés de tout, et il ne vous restera que vos yeux pour pleurer » dirent beaucoup d’autres. « Vous êtes nos prisonniers » répondaient-ils aux plaintes des habitants. Les soldats qui venaient de traverser Sinceny se croyaient à Saint-Denis, impossible de les en dissuader. Les mieux renseignés répétaient à satiété : « Paris, trois jours ».Quelques paysans narquois abondaient dans leur sens et leur indiquaient la proche colline du haut de laquelle ils pourraient apercevoir la Tour Eiffel les assuraient-ils. Après la stabilisation du front, les Allemands prétendaient que la première ligne de tranchées serait la frontière franco-allemande d’après-guerre.

II.- Des rapports de l’Autorité ennemie avec la population scolaire

a).- Les établissements d’instruction (écoles, etc.) ont-ils été ouverts pendant toute la durée de l’occupation? Ou momentanément fermés, ou ont-ils été fermés pendant toute la guerre ?

Dès le premier septembre, les Allemands occupent les écoles de garçons pour y établir des bureaux d’état major, et des filles pour y loger des chevaux. Le mobilier et les vêtements de l’institutrice, alors partie dans sa famille, furent jetés à la rue. L’instituteur occupa son logement jusqu’en 1915, date de l’installation d’un hôpital dans la mairie et l’école. A cette époque, il dut se réfugier, avec sa famille, chez un habitant compatissant, où il demeura jusqu’en janvier 1916, époque de son rapatriement.

Les écoles n’ont pu être ouvertes le 1er octobre 1914. L’occupation se prolongeant, deux installations de fortune, l’une pour Bichancourt, l’autre pour le hameau de Marizelles, furent établies dès les premiers mois de 1915, dans des maisons particulières. Quelques tables scolaires, quelques tableaux non encore détruits constituèrent tout le matériel. La municipalité assura le service des fournitures gratuites (livres, cahiers, ardoises) et même procéda à une distribution gratuite de chaussures. Le service scolaire de Marizelles était assuré par un jeune élève-maître de l’Ecole Normale de Laon, originaire du Hameau.

b).- Quelles ont été les prescriptions particulières édictées par les Allemands à l’égard des établissements d’instruction ? (Prière de joindre, si possible, des documents à l’appui)

c).- Le commandant de place s’est-il immiscé dans les services d’enseignement ?

d).- des officiers délégués ou inspecteurs allemands ont-ils émis la prétention de contrôler l’enseignement ? Ont-ils pénétré dans l’école ? Ont-ils interrogé les élèves ? Pouvez-vous citer, à cette occasion, des réponses d’élèves méritant d’être mentionnées ?

Au dire des écoliers, la commandanture allemande ne s’est pas immiscée dans le service de l’enseignement. Aucun officier, aucun inspecteur allemand ne serait entré dans les écoles.

e).- Les élèves des établissements (écoles, etc.) ont-ils été contraints à quelques travaux manuels ?

Quelle a été l’attitude des élèves dans ces circonstances ? Particularité, réponses, réflexions dignes de remarque.

Les Allemands n’ont pas favorisé la fréquentation scolaire ; dès l’âge de 9 ans, les enfants étaient occupés à la cueillette des orties, des feuilles, des mûres, mais jusqu’à l’âge de 13 ans, ils n’étaient pas contraints aux travaux des champs.

f).- Quelle a été, en général, l’attitude des soldats à l’égard des enfants ? L’attitude des enfants à l’égard des troupes ?

Les soldats se montraient plutôt bienveillants pour les enfants qui tous se sont assez vite habitués à leur nouveau mode d’existence. Quand la nourriture se raréfia, les enfants allèrent demander des restes de soupe aux cuisiniers militaires. Ceux-ci ne le leur refusaient pas, disent les habitants. En général, le soldat fut beaucoup plus compatissant que l’officier.

g).- Le séjour des troupes allemandes a-t-il influé en quelque mesure sur le parler local ? Quelques mots allemands, plus ou moins déformés, y ont-ils pénétré, et paraissent-ils devoir persister ?

(Donner une liste de ces mots, et leur sens.)

Malgré la promiscuité inévitable qui exista entre les troupes, les habitants et les enfants, il est curieux de constater que le séjour des troupes allemandes n’a pas influé sur le parler local. Quelques rares mots : kapout ! kartof (pommes de terre) partiellement. Les écoliers et les adultes semblent avoir honte d’employer le langage allemand que quelques-uns comprennent assez bien cependant.

B.- Territoire occupé par les Armées françaises et alliées

I et II.- Généralités et rapports des troupes avec la population scolaire

Bichancourt n’a jamais été occupé par les troupes alliées.

Du 23 février 1917 (date où les derniers habitants furent évacués) au 20 mars 1917, le village fut systématiquement rasé par l’ennemi; la moitié environ des arbres fruitiers furent sciés. Après le repli allemand de 1917, le secteur fut miné successivement par les Français et les Anglais. Le nouveau front étant très proche, quelques rares personnes regagnèrent Marizelles et durent évacuer une seconde fois en mars 1918, lors de l’offensive allemande. Aucun civil ne fut victime de bombardement, mais si l’ennemi passa et repassa très facilement l’Ailette en 1914 et 1917, il n’en fut plus de même en 1918. En mars, les troupes françaises tinrent énergiquement la rive ouest de la rivière et bien des soldats allemands trouvèrent la mort. Le front anglais cédant sous la poussée allemande, les Français débordés à gauche cédèrent pas à pas.

L’offensive alliée victorieuse de juillet août 1918 se heurta de nouveau à la solide position naturelle que forment l’Ailette et le canal de l’Oise à L’Aisne, séparés par une vallée tourbeuse large de 3 kilomètres. Le village de Bichancourt et le hameau de Marizelles ne purent être enlevés de front. Le passage de l’Ailette fut forcé à Champs après une semaine de combats. Les Allemands tournés dans la direction de Champs-Pierremande durent abandonner Bichancourt-Marizelles laissant un important matériel d’artillerie et des prisonniers. Marizelles eut les honneurs des communiqués officiels.

Quelques jours après l’armistice, de rares habitants ont commencé à rentrer. Il y en avait 90 en avril 1919; il y a maintenant 450.

Les Allemands ont méconnu notre tempérament et notre attachement au pays. S’ils ne nous ont laissé que « nos yeux pour pleurer », réalisant en cela leur rêve, ils n’ont pu nous enlever la force et le courage de relever les ruines accumulées par eux. Tous les rentrés se sont remis au travail ; les autres accoururent dès qu’ils entrevirent la possibilité de se loger. Seulement, malgré leurs soucis, ils n’oublient point les souffrances et les humiliations endurées pendant l’occupation et sont mécontents de l’indulgence excessive qu’ont témoigne à l’égard de leurs durs maîtres d’hier.

Source : BDIC La Guerre dans le ressort de l’Académie de Lille. 1914-1920

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