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L’incendie de la flèche de l’horloge de Notre-Dame de Laon.Histoire locale / Articles

Thème : Faits divers, anecdotes, catastrophes, PatrimoineCatégorie : ÉglisesCommune(s) : LAONAuteur : M.Trannois d'après l'Argus Soissonnais


Hier vers trois heures de l’après-midi, le vent soufflant du nord-est, amena autour de notre montagne un orage violent accompagné d’une pluie très abondante. Plusieurs coups de tonnerre retentissant avec un grand éclat firent craindre que la foudre ne fût tombée sur quelque point de notre ville. Le calme reparaissant assez promptement avait entièrement dissipé ces craintes, lorsqu’à quatre heures et demie le bruit du tocsin partant de l’église Notre-Dame et les cris au feu ! le feu est dans la chambre des notaires ! le feu est dans la cathédrale ! remplissent, en quelques moments, d’habitants, toutes les rues, mais notamment celles voisines de l’église. L’alarme n’avait pas été donnée sans cause.

La tour du cloître, cette construction, si svelte, si légère, si aérienne, qui compte de la base à la plateforme supérieure, deux cents cinquante pieds d’élévation, est encore exhaussée d’un clocher en flèche d’une trentaine de pieds. Ce clocher, de forme hexagonale, et qui se termine par un globe sur lequel se tient debout un ange aux ailes déployées et portant une croix, présente dans sa partie inférieure un campanile dans lequel sont placés la cloche et les timbres de l’horloge. L’ange haut de trois à quatre pieds, est en plomb, il est du poids d’une centaine de livres, le globe sur lequel il est debout est en cuivre ; les six côtés qui forment la flèche sont recouverts de feuilles de plomb.

C’est à quelques mètres au-dessus du globe, dans la partie déjà très amincie de la flèche, que le tonnerre en pratiquant un trou à introduit l’élément incendiaire C’est de là que du sol de la rue nous voyons s’échapper une légère fumée, devenant incessamment plus intense et annonçant l’existence du foyer qu’active l’air qui pénètre dans le clocher.

Comment combattre un incendie qui s’est manifesté sur un point si hors de la portée de tout secours humain ! Nos pompiers et quelques artilleurs du cinquième régiment, dont plusieurs batteries sont en garnison à Laon, entreprennent cette lutte. L’eau parvient au sommet de la tour, et, à l’aide de pompes à main elle est lancée sur les parties de la flèche d’où s’échappent la fumée et les flammes Le feu est toujours de plus en plus dévorant, il attaque de tous les côtés à la fois les parties du clocher où il s’est concentré. La flèche au-dessus du foyer doit nécessairement s’écrouler et entraîner dans sa chute, le globe et l’ange Ce qui a lieu d’étonner, c’est que cet évènement infaillible tarde autant à arriver, car la partie supérieure de la flèche s’éloigne de plus en plus de la ligne verticale ; elle présente une forte inclinaison vers le sud-ouest. Un craquement se fait entendre et tient dans une sorte de stupéfaction toute la population qui des différents points de la ville ont les regards dirigés sur un spectacle bien triste, puisqu’il peut être suivi d’une grande détérioration de l’un des plus beaux monuments de l’art chrétien.

La chute, à cause de tant d’effroi, a eu lieu et n’a heureusement amené aucun des graves accidents que l’on redoutait. L’ange a été horriblement mutilé.

Il y a 21 ans que la flèche de l’horloge, maintenant tronquée par l’incendie et qu’il faut raser entièrement, a été restaurée.

Si, comme nous l’avons dit, des secours eussent été possibles, ils n’auraient pas manqué. Nous avons vu sur le lieu de l’incendie et organisant toutes les parties du service, M. le conseiller de préfecture faisant l’intérim en l’absence de M. le préfet en tournée de recrutement, M. le maire, MM les adjoints, M. le procureur du roi, M. le commandant de la garde nationale, MM. les officiers de gendarmerie, la totalité du détachement des batteries d’artillerie ayant en tête MM. leurs officiers. Nos pompiers et un très grand nombre d’artilleurs ont dans des postes très périlleux, fait preuve d’un grand sang-froid et d’un grand courage.,

(Journal de l’Aisne)

Paru dans l’Argus du Soissonnais du jeudi 9 mai 1844.