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Le docteur Ernest GanaultHistoire locale / Articles

Thème : PersonnalitésCommune(s) : VORGES, LAONAuteur : Michel BALLAN


Ernest GANAULT, médecin, conseiller général et député de l’Aisne, bienfaiteur de Vorges, est né à Laon le 12 mars 1868, au 29 de la rue Sérurier. Il était l’aîné de neuf enfants. Sa grand-mère paternelle appartenait à une vieille famille laonnoise qui se glorifiait de compter parmi ses membres :

• Le père Jacques MARQUETTE, né à Laon en 1637, missionnaire jésuite
• Monseigneur PIGNEAU de BEHAINE, évêque missionnaire,
• Charles REGNAULT, président du directoire départemental en 1793 et 1794, premier adjoint au maire de Laon de 1800 à 1802, qui acquit à Vorges en 1818 le manoir construit par Claude CHEVALLIER au 17ème siècle. Oncle de la famille GANAULT, cette propriété en devint la demeure familiale.

Son grand-père, Augustin GANAULT, originaire de Saumur, chirurgien militaire sous l’Empire, fut adjoint au maire de Laon.

Son père, Gaston GANAULT, avocat, conseiller général du canton de Laon, député de l’Aisne, ami de GAMBETTA et de Jules FERRY, meurt à Vorges en 1894.

Après de brillantes études secondaires, il prépara une thèse consacrée à l’étude des réflexes dans l’hémiplégie, fruit de consciencieuses recherches, il la soutint en 1898.
En 1899, il s’installa à Montcornet et, jusqu’en 1910 il y exerça la médecine de façon active et donna un admirable exemple de conscience professionnelle. Une importante clientèle lui apportait de multiples sympathies que lui attiraient son savoir, son dévouement et aussi sa simplicité affable et sa bonhomie délicate.

Ces sympathies mêmes devaient l’arracher à sa carrière médicale et le conduire à la vie politique.

Conseiller municipal puis conseiller général du canton de ROZOY SUR SERRE en 1907, il devenait député de la 1ère circonscription de Laon en 1910. Réélu en avril 1914, la guerre allait lui fournir l’occasion de montrer toutes ses qualités.

Aux premiers jours de la grande guerre, médecin-major affecté à l’hôpital d’Amiens, à l’approche des Allemands, la direction du Service de Santé de la 2ème région se repliant sur Nantes, GANAULT assure l’évacuation de la presque totalité des 1250 blessés transportables.


Malette de médecin major du docteur Ganault

Le 3 septembre, il ramassait encore de nombreux blessés et obtenait des autorités militaires allemandes un laisser-passer pour les évacuer.

Revenu au Palais Bourbon, il alla visiter les villages de l’Aisne les plus exposés et organiser la vie de leurs habitants.

Membre de la commission de l’Armée, il participa à de nombreuses missions sur le front en Flandres, en Champagne, à Verdun, partout il s’inquiétera des nécessités de ravitaillement en armes et munitions, mais aussi des conditions d’existence de la troupe et des possibilités de les améliorer.

En février 1915, la famine menaçant les régions envahies, GANAULT se dépensera en de multiples démarches pour organiser le ravitaillement et le salut des populations de ces régions, en contribuant à la création et à l’organisation du Comité d’Alimentation pour le Nord de la France.

A la fin de 1915, désigné pour visiter le front d’Orient, il s’embarqua sur un vaisseau de transport de troupes.

Partageant les risques et surveillant les conditions de vie, il visita le front de Salonique et les tranchées du 45ème, recueillit les doléances de la Marine et de l’Armée de Terre et, convaincu de l’importance stratégique du front d’Orient, tint tête au président BRIAND, provoquant une réunion de la Commission de l’Armée qui décida de maintenir le front de Salonique.

Au début de 1917, GANAULT s’éloigna du parlement et revint au front comme médecin-chef d’un régiment territorial devant Craonne.

Dans ses tournées sur le front, des bois de Beaumarais par les tranchées de première ligne devant Corbeny, les tunnels du Bois des Buttes, au poste de brancardiers de la Pêcherie, sur l’Aisne, partout, GANAULT était connu, accueilli avec joie par ces combattants qui appréciaient sa bravoure simple, son calme souriant et son dévouement professionnel.

Le 1er septembre 1918, il devint médecin-chef du 38ème R.I., cité à l’ordre de ce régiment : « a, au cours des durs combats du 1er au 15 octobre et du 3 au 11 novembre 1918, assuré d’une façon parfaite et avec le plus beau dévouement, le pansement et l’évacuation des blessés. Aussi modeste que brave. »

Après l’armistice, il revint dans sa circonscription pour apporter son aide et obtenir le ravitaillement et les moyens nécessaires à ses compatriotes.

En 1919, il renonça à la vie politique et se retira à Vorges dans la maison familiale. Il y vécut pour les siens, mettant à la disposition des habitants de Vorges et des environs qui étaient pour lui des amis, sa science et son dévouement avec un désintéressement absolu.

Ernest Ganault devant le vendangeoir familial

L’affectueuse appellation de « Père GANAULT » médecin des pauvres par laquelle ses malades et ses concitoyens le désignaient, était pour lui sa plus grande fierté.

Il s’employa à favoriser la reconstruction de Vorges aux côtés de Léon Fatoux, avocat conseil en charge des coopératives de reconstitution, né à Nouvion-le-Vineux, résidant à Vincennes où celui-ci obtint l’appui de la ville de Vincennes qui devint la bonne marraine.

Le 4 décembre 1920, il reçut au titre militaire la Croix de Chevalier de la Légion d’Honneur.

Depuis quelques années, ayant atteint l’âge où la mort avait frappé son père, la santé de GANAULT s’altérait. Des deuils cruels et rapprochés, la mort de son frère Charles en novembre 1935, et, un mois plus tard d’une nièce qu’il avait élevée et qu’il chérissait d’une affection quasi paternelle, l’avaient touché profondément.
Persuadé de sa fin prochaine, il attendait avec sérénité la mort qui vint à lui, le matin du 22 juin 1936.

Nous pouvons penser qu’à son réveil il s’était abandonné au charme de cette douce matinée, bruissante du chant des oiseaux qui hantent les grands arbres voisins, le jardin familier lui offrant le parfum de ses fleurs et l’horizon bordé des collines boisées du mont Pigeon, de la vallée de Valbon et de la tour ajourée de l’église.
Une foule nombreuse assista à ses obsèques avec une émotion unanime et une tristesse profonde.

Les maisons de Vorges arboraient des drapeaux cravatés de crêpe. Les habitants, après s’être inclinés devant la bière où il reposait, face au grand portail, au centre de la chère maison si accueillante, se retrouvaient devant sa petite « Renault » qui, par une pieuse pensée avait été sortie du garage. Voilée de crêpe, elle semblait attendre pour un suprême voyage celui dont elle avait si fidèlement servi l’inépuisable charité.

La charité, la plus grande vertu qui anima cette belle existence dominée par l’oubli de soi-même et le dévouement à autrui. Elle trouva sa plus délicate et sa plus haute expression dans cet esprit de tolérance qui fut un des traits dominants de son caractère.

Dans sa séance du 23 juillet 1936, le conseil municipal de Vorges décide à l’unanimité de rendre hommage au docteur Ernest GANAULT en lui élevant un monument au centre du village et donnant son nom à la rue de Bruyères où est située la maison familiale du docteur.

Monument du docteur Ganault en 1937

Le 23 mai 1937, le docteur MENU, président de l’association des médecins, en présence de nombreuses personnalités, remettait au maire de Vorges, monsieur FAROUX, le buste en bronze exécuté par l’artiste sculpteur laonnois Jean TOPIN
Le buste du docteur GANAULT fut placé sur le monument conçu par Georges COLLIN, architecte en chef du département de l’Aisne, dirigeant les travaux réalisés par Albert DEFEE, maçon, et Paul SUPLY, jardinier, artisans à Vorges.

Lors de la dernière guerre, à leur arrivée à Vorges en 1940, les Allemands enlevèrent le buste dont une réplique est conservée à la mairie.

Inauguration du monument en 1976 -Sculpture d’Hector de Pétigny


Sur proposition d’Hector de Pétigny, artiste, graveur, peintre et sculpteur de grand talent, une magnifique sculpture allégorique fut érigée à la place du buste disparu. Elle fut inaugurée le 11 novembre 1976 en présence de sa famille par Michel BALLAN, maire, et les élus du département qui rendirent hommage au bon docteur GANAULT

Le 29 juin 1986, dans le cadre de la fête patronale, Jean-Paul DAQUIN, maire, en présence de membres de la famille GANAULT, d’élus locaux et de très nombreux vorgiens célébra le cinquantième anniversaire de la disparition du bienfaiteur de la commune.

Michel BALLAN
Sources :
• Témoignages des docteurs Menu et Lemarchal,
• Discours prononcés le 23 mai 1937 à l’occasion de l’inauguration du monument
• Extraits du registre des délibérations du conseil municipal de Vorges