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Athies-sous-Laon – école des filles : Monographie 1914-1920Histoire locale / Articles

Thème : Communes, GuerresCatégorie : Monographies, Première guerre mondiale 1914-1918Commune(s) : ATHIES-SOUS-LAONAuteur : Marcou


Athies-sous-Laon Canton de Laon

Ecole des filles

A.- Territoire occupé par les armées allemandes

I.- Généralités

a).- A quelle date les Allemands ont-ils pris possession de votre village?

Les allemands ont pris possession d’Athies le 2 septembre 1914.

b).- La prise de possession s’est-elle effectuée à la suite d’escarmouches, à la suite de combats sanglants, ou sans coup férir?

La prise de possession s’est effectuée sans coup férir.

c).- Quelle a été l’attitude de l’autorité militaire à l’égard de la population pendant les premiers jours?

Dans la suite de l’occupation?

La majeure partie de la population avait quitté le village à la nouvelle de l’arrivée des allemands. Presque tous ces malheureux durent revenir au bout de quelques jours et subir le joug de l’envahisseur.

Les uhlans sont rentrés dans Athies, révolver au poing et la lance au côté.

Ils réquisitionnaient les hommes pour conduire les munitions et les vivres

D’autres colonnes sont arrivées, fouillant et pillant les maisons, avec menaces de mort. Puis c’est l’enlèvement des jeunes gens et des hommes de 17 à 40 ans à Laon, pour les expédier ensuite en Allemagne, ce qui n’eut pas lieu heureusement.

Formation de colonnes d’ouvriers, tous les matins, les hommes de 15 à 50 ans devaient se rendre à l’appel, sur la place et faire la besogne commandée. En cas d’absence, prison sans nourriture.

Enlèvement des hommes pour la construction de chemins de fer et de divers travaux du 8 janvier au 7 avril 1915. Travail forcé des femmes et des enfants. Enlèvement des jeunes filles pour la moisson. Celles-ci sont employées aux plus durs travaux et par n’importe quel temps (pluie, neige, froid excessif) ; il fallait gratter les rues et enlever la neige.

Défense de sortir à 200 mètres des habitations.

Défense d’aller voir ses malades à l’hôpital. Une mère étant allée visiter son enfant sans passeport fit six mois de prison. L’enfant mourut. La Kommandanture fit appeler le père et lui apprit la nouvelle en le narguant. Bien entendu, la mère ne put revenir à l’enterrement.

Défense aux jeunes gens partis en colonne de correspondre avec leurs parents.

A partir de 1915, toute personne ayant désobéi à leurs ordres était jetée en prison, sans nourriture, et fouettée avec un nerf de bœuf. Toute désobéissance était toujours punie de l’amende et de la prison.

En 1916, à 5 heures du matin, en décembre, le commandant uhlan avec une force de 175 hommes à cheval appelle le maire d’Athies par un froid terrible. Arrivé à la porte, le maire demande à entrer. La brute ouvre la porte et dit « C’est vous le maire ? », le maire répond « Oui Monsieur », au même instant, il reçoit deux gifles, le commandant le prend par le bras, le fait tournoyer sur lui-même et lui envoie deux coups de pied en lui disant « Vous Français, vous êtes des lâches, car cette nuit, vos noirs ont coupé la gorge à nos hommes dans toute une tranchée ».

Une vingtaine de jours plus tard, ils font mettre le feu à un dépôt de paille et accusent le civil d’être la cause de l’incendie. Le commandant uhlan lynche encore une fois le maire de la commune et lui demande 80 000 marks d’amende.

Ordre de supprimer les chiens, les pigeons. Rien n’appartient plus aux habitants.

Réquisition de poules, des lapins, de tout ce qui peut leur être utile, même des chiffons.

A la suite des ordres, perquisitions deux et trois fois par semaine, à toute heure du jour et de la nuit.

Tout détenteur d’un objet non déclaré est puni de la prison ou de l’amende.

D’après les perquisitions, ordre de porter les œufs à la commandanture ; un œuf par poule et par coq. Tous les dix jours, comme le nombre d’œufs ne pouvait être fourni, amende et prison.

Réquisition de tous les matelas, linge de corps, vêtements, cuivre, objets d’art.

Interdiction aux médecins français à partir de 1916, de venir soigner mes malades. Les médecins boches les remplaçaient. Toute personne qui devait travailler à la colonne et qui n’était pas reconnue malade était redevable d’une forte amende ou jetée en prison.

Interdiction sous peine d’amende de se rassembler à deux personnes sur la route, de rester sur le seuil de sa porte et d’avoir de la lumière à partir de la brune.

Ordre de se réunir sur la place, deux fois par semaine, pour aller chercher son bois de chauffage, sous la conduite de quatre soldats en armes. Toute personne s’écartant de la colonne était sous la menace des coups de feu de l’ennemi.

Ordre à certains civils d’abandonner leur logis pour faire place à l’ennemi.

Toutes les terres prises par l’ennemi : défense de cultiver en dehors des terrains désignés par l’ennemi. Toutes les récoltes volées par les troupes.

Visite médicale des jeunes gens et des hommes à partir de 16 ans.

Du 2 septembre 1914 au 13 octobre 1918.

L’institutrice d’Athies

MARCOU

Ecole des filles d’Athies sous Laon

II.- Des rapports de l’Autorité ennemie avec la population scolaire

a).- Les établissements d’instruction (écoles, etc.) ont-ils été ouverts pendant toute la durée de l’occupation? Ou momentanément fermés, ou ont-ils été fermés pendant toute la guerre ?

b).- Quelles ont été les prescriptions particulières édictées par les Allemands à l’égard des établissements d’instruction? (Prière de joindre, si possible, des documents à l’appui)

c).- Le commandant de place s’est-il immiscé dans les services d’enseignement?

d).- des officiers délégués ou inspecteurs allemands ont-ils émis la prétention de contrôler l’enseignement ? Ont-ils pénétré dans l’école ? Ont-ils interrogé les élèves? Pouvez-vous citer, à cette occasion, des réponses d’élèves méritant d’être mentionnées ?

e).- Les élèves des établissements (écoles, etc.) ont-ils été contraints à quelques travaux manuels?

Année 1914-1915: Athies est envahi le 2 septembre 1914. Jusqu’au 30 novembre, la classe est occupée par les troupes puis rendue à sa destination.

Au cours de l’année, quelques passages de troupe. En août et septembre, par ordre de la Commandanture, la classe est faite aux élèves qui ne sont pas occupées par les Allemands.

1915-1916 : En octobre, jusqu’au 11, classe transformée en magasin à avoine. Le 11 la classe est libre pour être de nouveau réquisitionnée jusqu’au 23. Je débarrasse ma salle à manger de son mobilier et j’y fais classe jusqu’au 31 janvier. Les élèves apportent leur bûche, on n’a pas toujours de feu.

Le 31 janvier ma classe est libre, les élèves y sont reçus à partir de 5 ans.

A partir du 1er avril, par ordre de la Commandanture, tous les élèves de la commune sont obligés sous peine d’amende de fréquenter les écoles.

Les élèves de 5 à 6 ans nous sont enlevés pour former une classe à Mr le Curé qui désire faire l’école et n’a pas suffisamment d’élèves.

Monsieur le Maire (nommé par les Boches en remplacement de Monsieur Leclère maire de la commune) et le Commandant viennent dans ma classe m’en informer. Je demande au Maire de vouloir bien prier le Commandant de me laisser mes élèves, amis il me répond « qu’il n’y a rien à faire. ». Mr le curé avait l’intention de créer une école pour les tout petits avant la déclaration de la guerre. La personne chargée de tenir les enfants est arrivée au moment de la mobilisation. Elle ne s’est pas entendue avec le Curé et a pris du service à l’école des garçons.

A partir du 1er avril, 85 élèves doivent fréquenter mon école. Ma fille est moi sommes chargées des enfants de 6 à 13 ans. Ci-joint l’ordre de la Commandanture. Un duplicata des emplois du temps doit être remis à la Commandanture.

Je reçois la visite d’un inspecteur Allemand. Je faisais une leçon de système métrique sur les monnaies. Après avoir salué et m’avoir dit qu’il était chargé par Mr le Commandant d’inspecter les écoles, il me dit : « Continuez ! Faites comme si je n’étais pas là. ». Il assista à la leçon de système métrique au cours moyen, prit un livre pour suivre la leçon (il n’était pas question de mark !) puis à la préparation des problèmes, à la correction des calculs de la 2ème division et à la leçon de lecture.

Il n’a pas interrogé les élèves ni fait d’observation. Il me fit remarquer qu’une élève avait sa robe trouée au coude. Je lui fis remarquer que c’était la guerre et qu’on ne pouvait plus rien acheter.

Le commandant civil et le maire désigné par les boches viennent s’assurer presque tous les jours de la fréquentation. Une maîtresse doit conduire les élèves aux offices le dimanche et à l’instruction religieuse le jeudi. Le maire s’assure toujours de la fréquentation à l’église. Il vient même chez moi s’en informer mais jamais je ne lui ai signalé aucune absence, ne voulant pas faire punir mes semblables. Ceci se passa jusqu’au mois d’octobre (pas de vacances), époque à laquelle la commandanture est changée.

1916-1917 : D’octobre 1916 au 23 février 1917, classe (15 jours de troupes en décembre).

Le 23 février, l’infanterie arrive en masse, les écoles sont évacuées. Par ordre de la commandanture, le garde annonce que toutes les écoles sont fermées excepté celle de Melle Benoît. J’en suis bien affligée, il me semble que si une maîtresse devait continuer à enseigner, j’y avais droit plutôt qu’une maîtresse qui n’avait exercé avant la guerre que dans l’enseignement privé. Mais comme toujours, il n’y a rien à faire.

A partir du 5 mai, « par ordre de l’autorité allemande, les enfants de 2 à 6 ans sont reçus à l’école de Me Marcou » après annonce faite par le garde, de 8h du matin à 6h du soir tous les jours, jeudi compris. Ceci jusqu’au 1er novembre. Les élèves au-dessus de 6 ans sont confiés au curé.

1917-1918 : Le 1er novembre la classe est réquisitionnée. Je ne puis plus me servir de ma salle à manger qui est prise par les soldats. La classe recommence le 21 mars 1918 pour tous les enfants, garçons et filles de 2 à 6 ans, comme l’année précédente.

Quatre maîtresses sont désignées par la commune pour faire classe tous les deux jours alternativement. Les enfants au-dessus de 6 ans jusqu’à 10 ans et au-dessus peuvent fréquenter la classe d’après l’annonce. Nous avons des garçons et des filles de tous âges, quelques-uns ont bientôt 13 ans.

Les enfants assez forts pour travailler y vont à partir de 10 ans. Ceci jusqu’au 3 octobre 1918. A cette date, la salle est prise par la poste ; le 11 évacuation à Laon et le 13 la délivrance.

f).- Quelle a été, en général, l’attitude des soldats à l’égard des enfants? L’attitude des enfants à l’égard des troupes?

Les enfants détestaient le Boche, le « sale Boche » comme ils avaient coutume de dire.

g).- Le séjour des troupes allemandes a-t-il influé en quelque mesure sur le parler local? Quelques mots allemands, plus ou moins déformés, y ont-ils pénétré, et paraissent-ils devoir persister?

Aucun mot allemand n’est plus employé.

L’institutrice d’Athies-sous-Laon

Marcou

Source : BDIC La Guerre dans le ressort de l’Académie de Lille. 1914-1920

@genealogie-aisne 2015