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Annois : Cahier de doléancesHistoire locale / Articles

Thème : RévolutionCatégorie : Cahiers de doléancesCommune(s) : ANNOIS


Cahier des souhaits et doléances de la paroisse d’Annois présenté à Chauny le 6 mars 1789

1. Pour nous soumettre aux ordres de notre roy, qui veut que dans toutes les villes, bourgs et villages, de son royaume, il soit donné une assemblée générale pour conférer des moyens propres à remédier aux maux de l’état : voici quelles sont les représentations de la paroisse d’annois.

2. Que tous les états quelconques du royaume, s’avoir, le clergé, la noblesse et le tiers état, soient assujettis aux mêmes droits : c’est à dire que la loi soit une : (unna rex, unna lex)

3. Qu’il ne soit permis à aucun particulier de la campagne d’intenter action contre son voisin, sans avoir consulté l’assemblée municipale du lieu, que la dite municipalité ait le pouvoir de décider, que si l’un des deux parties mécontent appelle son affaire au haillage, que les frais de procureur soient taxés par le juge de la cause, ce qui éviterait le ruine de bien des gens occasionnée par les procès.

4. Il seroit à propos que les municipalités des campagnes fussent autorisées à gérer les biens de leur église.

5. Suppression de la gabelle qui altère en grande partie les revenus de notre Roy, et contribue beaucoup à la surcharge des impositions dont se plaint le tiers état.

6. Suppression des droits de lots et ventes, des droits seigneuriaux qui presque toujours enlèvent plus que la troisième partie du prix de la vente d’un bien : droits onéreux et abusifs.

7. Suppression des impositions sur les boissons, lesqu’elles impositions lient la liberté du peuple, qui voudroit en garder surannée.

8. Suppression des huissiers priseurs qui pour le paiement de leur fonction pillent et enlèvent de chez les particuliers le plus possible.

9. Suppression des plantations d’arbres qui se font sur les grandes routes et sur les chemins de traverse, tels que les ormes, les frênes, les peupliers, qui tous par leur élévation, leur ombrage, et leur racines, nuisent à la production de la terre.

10. Suppression du contrôle des moulins, pressoirs, et fours bannaux.

11. Que les seigneurs ne soient plus autorisés à conserver sur leurs domaines, des gibiers qui ruine les productions de la terre, qu’il leur soit défendu et aussi à leurs gardes de parcourir avec des chiens les campagnes chargées de grains.

12. Qu’il ne soit plus permis aux seigneurs de faire des plantations de garenne au milieu des champs pour la conservation de leurs gibiers : chose tout à fait nuisible à la culture des terres.

13. Qu’il soit ordonné aux propriétaires de fournir à leurs fermiers les terres bornées : ce qui est très intéressant pour éviter des difficultés parmy les laboureurs, tant pour la culture des terres, que pour les récoltes.

14. Il seroit nécessaire, que les propriétaires fissent des baux de dix huit ans, et au dessus : les baux de neuf ans, et au dessous, sont trop courts pour que les cultivateurs puissent tiret parti d’une terre, puissent même raisonnablement travailler à l’améliorer, dans la crainte d’en apprendre d’un instant à l’autre sa dépossession : et en effet depuis trente ans à peu près : le cultivateur éprouve le même sort qu’un valet : le valet quitte son maître à la fin de l’année, pour trouver une augmentation de gages : le propriétaire change son fermier pour trouver une augmentation de redevance. Si au contraire les baux étaient plus longs, les cultivateurs travailleroient avec plus de courage, et d’assurance, alors ils pourroient espérer jouir du fruit de leurs peines et de leurs travaux, les terres seroient mieux suivies et mieux améliorées, les productions seroient plus abondantes : mais non, les choses sont vues tout autrement. Le propriétaire désire voir arriver bien vite la fin de son bail, pour tirer d’un nouveau fermier un droit d’entrée, lequel droit souvent est plus considérable que le profit, que le nouvel entrant peut espérer faire dans l’espace de neuf années : de plus, les terres aujourd’huy sont affermées à un si haut prix, que quasi la dîme est prise, au douze dans bien des endroits, les moissons moissoneuses, les batteuses, les propriétaires payés, la graine prise pour faire de nouvelles semences. Dans une année malheureuse telle que la récolte de 1788, la plus grande partie du laboureur se trouve en disette de bleds, par conséquent dans l’impossibilité de subvenir aux besoins des pauvres : ce qui aujourd’huy fait la désolation de l’état.

15. Le cultivateur réclame fortement contre la dîme qui lui est très onéreuse : pertes de graines, pertes de pailles, pertes pour la terre, puisqu’on ne lui rend pas ce qu’elle donne, en outre, l’inconvénient pour le cultivateur d’arranger les denrées à nombre égal, de ne pouvoir enlever ses graines, comme bon lui semble, même dans des cas pressants : par exemple, lorsqu’on le temps menace de pluie, ou d’orage.

16. Qu’il soit expressément deffendu aux glaneurs de ne point mettre les pieds dans une pièce de terre, que les douzaines ne soient enlevées :

17. Qu’il soit permis à ceux qui ont des terres aboutissantes aux grands chemins, et aux chemins de traverses, de faire des plantations d’arbres fruitiers.

18. Suppression de franc fief : que les fiefs possédés par les roturiers, soient partagés à portion égale parmy leurs enfants.

19. Permission à ceux qui tiennent des surceses, de les payer aux propriétaires directes, sur le pied du produit convenu.

20. Suppression des droits de péages et de ceux qui se perçoivent sur certains marchés, comme le herlage.

21. Il seroit intéressant que les sieurs, les évêques, les abbés, les curés : en générale, tous les propriétaires usufruitiers éprouvant des changements, soit par permutation, ou autrement, soit enfin, que la mort suvienne, il seroit à propos que les baux faits par eux, fussent continués toujours dans la même forme par leurs héritiers ou successeurs jusqu’à l’échéance du terme arretté : de même aussi, que le propriétaire qui vend sa terre affermée, que le bail de sa terre soit continué par le même fermier, sans qu’il lui soit faite aucune difficulté.

22. Qu’il soit permis aux laboureurs quelconques d’avoir des colombiers, sans que les seigneurs puissent y mettre opposition, ni reclammer aucun droit : qu’aussi les colombiers soient fermés dans certains temps de l’année.

23. Qu’il soit déffendu aux seigneurs de s’emparer des biens communaux, ce qui arrive fréquemment, chose qui ne peut se faire sans que les pâturages des bestiaux, ne soient diminués : l’on demande aussi, qu’ils restituent aux paroisses, les biens communs dont ils se sont emparés depuis un certain temps.

24. Que les propriétaires des eaux ne puissent les retenir parce que par leurs débordements elles causent des ravages dans les terres ou pâtures voisines.

25. Il seroit de convenance que messieurs les curés ne possédassent aucune terre, soit attachée à la cure, soit en propriété : qu’ils ne perçoivent point de dîmes, qu’ils ne reçoivent point de casuël : alors, ils n’auroient aucun intérêt à deffendre avec leurs paroissiens, les choses en iroient beaucoup mieux, tant pour le spirituel que pour le temporel : en conséquence, on leur feroit un fixe proportionné à leur besogne.

26. Qu’il soit permis aux esclesiastiques, et aux laïcs de faire ensemble des échanges de terre.

27. Que l’on punisse les banqueroutiers, qui contribuent en grande partie à la ruine de bien des manufactures. De là, il s’ensuit celle d’une infinité de particuliers.

28. Acte de délibération des habitants de la paroisse d’annois pour la nomination des députés : les suffrages se sont réunies en faveur de louis martin lelong et de jean louis nicolas houtroy ; qui tous deux par soumission se sont chargés de présenter le cahier des souhaits et doléances de la dite paroisse.

29. Fait et arrêté dans le lieu de l’assemblée ordinaire le 5 mars 1789. les habitants ont signés :

Lelong Député : Houtroy Député :Blamotier Sindic

Mennechet Seret Grephier

Transcription par Agnès Guzzi